Voilà tout juste deux semaines, jeudi 27 février, le fabriquant corrézien de produits de nettoyage Eyrein Industrie se retrouvait confronté à une demande inédite. Face au risque de propagation du Covid-19, la société basée à 10 minutes de Tulle essuyait un rush historique pour fournir ses clients en gel hydroalcoolique.
Historique, juge son directeur général Yves Magne, car même la forte demande qu’avait entraînée le virus H1N1 en 2009 n’avait pas engendré une hausse de production du gel virucide si importante et surtout si rapide. « La demande, cette fois-ci, a été subite et dans l’urgence. Il a fallu répondre tout de suite à nos clients et adapter très vite notre production. »
De 5 tonnes de produit à 100 tonnes actuellement
Sur les deux sites de l’entreprise basée à Eyrein, l’un hébergeant l’administration, les ventes, le laboratoire et les entrepôts de produits finis, l’autre la production, l’ambiance est studieuse, la centaine de salariés accaparés par le rush d’activité.
« Normalement, la production de “Prevent”, notre gel hydroalcoolique, est de 5 tonnes par mois sur une production globale de 2.000 tonnes de produits parmi toutes nos références. Là, elle a depuis 10 jours été multipliée par 20 et nous sommes à 100 tonnes », poursuit le responsable de la société avec son frère Éric Magne, président.
» Au stade 3 de l’épidémie, il n’est pas impossible que le ministère de l’industrie nous réquisitionne «
Afin d’honorer la demande de ses clients, parmi lesquels principalement des sociétés de nettoyage, des gros distributeurs, Eyrein Industrie a dû mettre les bouchées doubles. « Nous sommes passés pour la première fois d’une organisation en 2 x 7 à du 3 x 8 et nous avons pris également la décision de décaler la fabrication des produits courants de trois jours afin de donner la priorité au gel hydroalcoolique », détaille Yves Magne, qui souligne l’engagement de toutes ses équipes dans ce contexte hors norme.
« Nous avons déjà répondu à un questionnaire sur nos capacités de production. Au stade 3 de l’épidémie, il n’est pas impossible que le ministère de l’industrie nous réquisitionne. »
L’usine passe à la production 24h/24h
Dans les locaux de l’unité de production, l’activité bat en effet son plein. Ici on embouteille dans divers formats « que nous avons dû adapter à la demande, c’est-à-dire diversifier les contenances et veiller à assurer notre propre fourniture en contenants : 100 ml, 250 ml, 500 ml, 1 litre, mais aussi des bidons de 5 litres. »
La chaîne de fabrication et de conditionnement tourne ainsi à plein régime depuis deux semaines. « Une douzaine d’intérimaires ont été recrutés pour compléter les effectifs, en binôme avec nos salariés. Avec les heures supplémentaires, l’ensemble représente une hausse d’environ un tiers en matière de personnels », relève le responsable du site de production, Cyril Coissac.
L’unité de production a dû s’adapter avec notamment un passage aux 3 x 8 et une priorité faite au gel par rapport à d’autres références.
À l’aplomb des cuves de 10 m3 qui alimentent chacune la chaîne de conditionnement, les chargés de la maintenance sont eux aussi sur le qui-vive : « On demande aussi un effort inédit aux machines, qui ne sont pas habituées à tourner 24h/24h. Il faut veiller à ce que tout fonctionne. »
Et pour que tout fonctionne aussi, il faut assurer l’approvisionnement en matières premières, qui lui aussi est sous tension, relève Martial Coulaud, directeur des achats : « Heureusement, les grosses quantités que nous commandons en temps normal nous ont permis d’amortir une partie de la demande, mais actuellement, nous sommes passés d’un échelonnement des commandes toutes les trois semaines à toutes les semaines. »
Les dernières mesures gouvernementales prises pour encadrer les prix impliquent l’entreprise corrézienne sans toutefois la concerner : « Nous étions déjà dans le cadre, et notre tarification, du coup, n’a pas été modifiée. L’encadrement a surtout été mis en place pour éviter les débordements de certains discounters », estime Yves Magne.
Un second rush attendu sur les produits de nettoyage virucides
Sa fille Céline Magne, qui dirige le laboratoire de la société, évoque des pratiques problématiques : « Nous sommes soumis, et c’est normal, à une réglementation très sévère, avec des étiquetages de sécurité, des contrôles de produits alors qu’on assiste à une déréglementation totale avec les gels faits maison dont on voit diffuser les formules partout. D’un côté, on soumet à une réglementation stricte, ce qui s’entend, de l’autre on permet à des particuliers de faire des produits dangereux. Que les pharmaciens soient autorisés, on comprend, mais les particuliers sans contrôle, moins. »
À ce pic de production s’ajoute un second rush qui s’amorce déjà. « Pour le gel hydroalcoolique, la production nationale va prendre le relais. Mais une deuxième très forte hausse débute pour nous, qui concerne nos produits de nettoyage avec des qualités virucides. Après la protection des personnes, on passe à la protection des lieux et des surfaces. On espère que tout le monde va tenir bon ! », espère Yves Magne, qui attend la livraison déjà prévue depuis plusieurs semaines de deux robots de mise en cartons automatique.
12/03/2020 -